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Blé, vaches ou vignes : la France, puissance agricole fragilisée

Premier pays agricole européen, la France est cependant une puissance en crise, attaquée sur tous les fronts : vive concurrence, européenne notamment, tensions géopolitiques et commerciales, crise des vocations, aléas climatiques...

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Illustration frappante, la balance commerciale alimentaire pourrait être négative en 2025, pour la première fois depuis près de 50 ans.

Déficit commercial en 2025 ?

Tandis que les importations augmentent, les exportations de produits agricoles ont baissé de 20 % en volume entre 2015 et 2024, et celles de produits agroalimentaires de 7 %.

Deuxième exportatrice européenne en 2000, la France n'est plus qu'à la 6e place, loin derrière les Pays-Bas (45 milliards d'euros d'excédent), la Pologne et l'Espagne (en pointe sur le porc, le vin, les fruits et légumes).

Premier poste d'exportation de la France (14 % du total), le secteur a rapporté l'an dernier plus de 82 milliards d'euros au pays, devant l'aéronautique, les véhicules et équipements, et la chimie. Mais cet excédent se réduit depuis plusieurs années et, avec cinq mois en déficit sur neuf en 2025, selon les Douanes, le secteur redoute un bilan annuel négatif.

« Notre souveraineté alimentaire est en danger et le déficit historique de notre balance commerciale, que l'on pourrait connaître cette année pour la première fois depuis les années 1970, en est une illustration dramatique », a déclaré la ministre Annie Genevard au quotidien économique Les Échos dimanche.

Les céréales au diapason du blé

La France reste le premier producteur et exportateur de céréales de l'Union européenne, mais elle perd du terrain.

Alors qu'en 2022 elle en avait exporté pour 11 milliards d'euros, dans un contexte de flambée des cours après l'invasion russe de l'Ukraine, l'euphorie est retombée.

En 2024, les exportations de céréales ont baissé de plus d'un milliard d'euros (à 6,6 milliards contre 7,7 en 2023), du fait d'une baisse tant des prix (- 17 % pour l'orge et - 16 % pour le blé) que des volumes, selon les Douanes.

Elles ont rebondi depuis (+ 49 % sur un an, à fin septembre), portées par une belle moisson de blé en 2025.

Mais la hausse des rendements ne compense pas la baisse tendancielle des surfaces cultivées en blé - la plus faible en 20 ans -, ni la baisse des prix sur les marchés mondiaux, où la concurrence est rude face aux grains de la mer Noire.

La hausse de la production pourrait permettre à la France d'exporter 16 à 17 millions de tonnes de blé en 2025-26, dont 10 millions vers des pays tiers (hors UE). Mais, en dépit d'une augmentation des achats du Maroc, cet objectif sera difficile à atteindre sans l'Algérie, ex-premier client du blé français qui boude désormais l'ancienne puissance coloniale, ou la Chine, très peu acheteuse ces derniers mois.

Vigne en souffrance

Dérèglement climatique, moindre consommation notamment de vin rouge, mais aussi conflit douanier avec les États-Unis, repli du marché chinois et inflation des coûts se cumulent pour la viticulture, particulièrement ébranlée en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine.

En 2024, alors que l'Italie - premier exportateur mondial - voyait ses commandes croître, les exportations de vins et spiritueux français ont reculé de 4 % en valeur, après - 6 % en 2023, même si les volumes se sont stabilisés. Et c'était avant l'imposition de 15 % de droits de douane sur le marché américain, premier marché du secteur.

Quant à la vendange 2025, réduite par la canicule et la sécheresse estivales, elle pourrait être la plus basse depuis 1957.

Côté fruits et légumes, la France continue d'importer plus de la moitié de sa consommation.

Déclin des cheptels

Le pays compte le premier cheptel bovin de l'UE (plus de 16 millions de têtes) mais il est en déclin accéléré, avec 1,2 million de vaches en moins depuis 10 ans. L'élevage souffre d'un manque de bras et de revenus, et dénonce la concurrence déloyale générée par les accords de type UE-Mercosur du fait de normes de production différentes.

Selon l'interprofession, 25 % de la viande bovine consommée en France est aujourd'hui importée (55 % dans la restauration).

La filière ovine a elle perdu 65 000 élevages et vu les abattages d'agneaux reculer de 40 % en vingt ans. En 2024, 59 % de la viande ovine est importée.

Quant à la viande de volailles, la production française a reculé de près de 30 % depuis son pic de 1997, distancée par la Pologne, numéro 1 européen dont la production a quadruplé, l'Espagne et l'Allemagne. Dans le même temps, la demande nationale augmentait de 35 %, plongeant la balance commerciale dans le rouge.

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